dimanche 2 novembre 2014

J'aurais pu...


Comme vous, comme tout le monde, je fais mes courses au supermarché. Cet après-midi, caddie en marche, je rentre dans ma grande surface habituelle pour m’acquitter de la corvée hebdomadaire. A l’entrée, un panneau m’interpelle. On y voit un canard sur fond rose, et une mention expliquant l’ouverture d’un rayon « coquins » avec la mention « derrière-le-rayon-électroménager ». Ca me fait sourire, et puis je prends le temps de la réflexion.

J’aurais pu aller visiter ce rayon coquins. Je sais d’avance ce que je peux y trouver. Quelques sextoys, de la lingerie extravagante, des gels de massage… J’aurais pu me risquer à y passer quelques instants, comme les mères de famille, mes voisins, d’autres parents d’élèves de la région.

J’aurais pu fantasmer sur un commercial croisé au boulot, sur une secrétaire chez un client. Imaginer un échange interdit de mails, de sms. Aller boire un verre un soir, finir sur un acte rapide, volé.

J’aurais pu me connecter sur un site de rencontres officiellement « bien sous tous rapports », mais dont on sait qu’on y vient, aussi, pour trouver une relation ponctuelle, charnelle, sans lendemain. Je sais de quoi je parle, je l’ai fait en son temps.

J’aurais pu fantasmer, pour ne pas dire avoir des sensations physiques, oui, mouiller, me caresser, en lisant « 50 nuances… ». J’aurais pu fermer les yeux et imaginer qu’un héros m’embarque vers l’inconnu. Mais ne pas aller plus loin, parce que je suis une femme mariée, une mère de famille.

J’aurais pu écouter les conversations des autres dans les transports, lire des compte-rendus sur des forums, suivre les aventures dans les tweets de ceux qui disent jouer avec le feu.

Mais je ne prendrai pas de risque ridicule à aller trainer dans un rayon de supermarché à regarder un canard entre une machine à laver et des barils de lessive en promo. Je ne chercherai à répondre au regard d’un inconnu improbable demain au travail ou à la sortie de l’école en allant chercher mes enfants, ni ne perdrai de temps sur des sites « pour célibataires exigeants » avec un pseudo équivoque.

J’ai franchi le pas il y a longtemps. Je suis infidèle, au sens le plus exquis qui soit. Je suis une mère de famille exemplaire, une épouse modèle. Mais j’ai aussi un partenaire exceptionnel. Je le vois peu, toujours en ayant préparé nos rendez-vous comme deux agents secrets. Il m’emmène dans des lieux de débauche inavouables : des hôtels de luxe en pleine journée, les meilleurs clubs libertins de Paris la nuit. Il connaît ceux qui organisent des soirées privées, qui eux-mêmes nous invitent pour d’autres aventures à l’autre bout de la France : des villas privées sur la Côte d’Azur où se rejoignent une dizaine de couples triés sur le volet, des soirées de débauche au Cap d’Agde, où tout est permis… Dans ces moments-là, je porte la plus belle lingerie, et parfois seulement ça, enfin, sans oublier mes talons. 12 cm minimum, 15, 16 cm parfois. Personne ne me juge, les autres femmes présentes sont elles aussi parées d’atouts les plus incroyables. Les hommes portent le costume, la chemise stricte, les chaussures cirées. Tout le monde se respecte et donne libre cours à ses fantasmes.

Bien sûr, ce n’est pas simple, il faut ruser pour avoir cette double vie, être attentif en permanence pour ne pas laisser de trace, ne pas risquer qu’on découvre qui est « Mademoiselle ». Mais si vous saviez comme ces risques s’effacent devant le plaisir ainsi obtenu. Plus qu’une drogue, c’est ma vraie vie !